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Infolettre novembre 2017


Les Cartières, 26 août 2017 : Femmes en migration (table ronde)

En préparant cette intervention, et en reprenant la demande de Daniel Mellier : « Problématique des femmes : quelles difficultés, quels enjeux, quelles possibilités quels risques particuliers dans le parcours migratoire ? Quelles approches ? Quelles réponses ? »

la première chose qui me soit venue à l'esprit c'est la force des femmes que nous avons la chance de rencontrer à PasserElles Buissonnières. Aussi, avant d'évoquer les risques et les difficultés liés à leur situation de femmes en exil, je voudrais d'abord évoquer avec vous cette force :
-       la force d'Anna qui n'a jamais été à l'école, mais qui après des années d'errance va entamer des études et obtenir un diplôme qui lui permet d'exercer le métier de ses rêves ; rêves auxquels Anna n'a jamais renoncés, même dans les pires moments.
-       La force d'Elsa qui après avoir traversé le Sahara et subi injures racistes et mauvais traitements en Libye n'hésitera pas à prendre la  mer sur un bateau de fortune, enceinte de quatre mois. Parce que, dit- elle, dans ce parcours la mort était partout, que je rebrousse chemin, que je reste là où j'étais ou que j'avance. J'ai choisi d'avancer.
-       La force d'Emiti, qui vit ici, sans papiers depuis 13 ans, sans ressource, et sans doute sans manger à sa faim tous les jours, mais qui dit dans un sourire « l'argent ce n'est pas important dans la vie. »
-       la force enfin d'Ariana, qui étudiait l'histoire et se destinait au métier d'enseignante lorsque son compagnon lui a proposé de partir avec lui pour l'Italie puis lui a fait subir le pire.


Je pourrais multiplier les exemples de ces femmes debout, malgré tout. Ces esquisses dessinent en filigrane les difficultés qui jalonnent ces vies :
-       Dans le temps d'avant l'exil, dans les lieux de conflits, ailleurs comme chez nous en temps de guerre, les femmes sont exposées à la violence et à l'humiliation plus que les hommes : armes de guerre, trophées, moyen pour humilier à travers elles un homme autant qu'un peuple.
-       Dans le temps du voyage aussi, où un supplément en « nature » est souvent arraché en plus de l'argent versé, où les corps sont blessés, meurtris, brutalisés pour ne pas dire vandalisés comme de vulgaires objets. L'humanité est niée par des hommes certes, mais aussi par nos institutions qui permettent à ce business de la migration d'exister. Fermer les frontières, multiplier les contrôles, punir la solidarité, décourager les sauvetages en mer par les ONG, souffler sur les braises du racisme pour faire oublier que les vrais enjeux se trouvent dans la régulation économique, et dans l'éducation, de tout cela nous sommes responsables et comptables et notre voix de citoyen ne doit cesser de s'élever contre des théories jamais démontrées comme celle de l'appel d'air.

-       Dans le temps de l'accueil enfin et le terme est à mettre entre de nombreux guillemets. Les conditions matérielles d'accueil n'ont cessé de se détériorer. Depuis une vingtaine d'années, nous avons vu resurgir les bidonvilles, le sans-abrisme des enfants s'est banalisé, les hébergements d'urgence sont devenus des lieux où l'on joue à Tetris avec des vie humaines... Parallèlement les conditions administratives  se durcissent sans que le temps ait été pris d'expliquer enfin où se situent les différences entre les « bons migrants » et les autres, qu'est- ce que la persécution... avec l'illusion que plus vite équivaut à plus efficace.

Nous en revenons toujours au temps... Et ce sera donc l'un des trois axes que j'évoquerai dans les réponses possibles :
-       le temps long : pour reprendre l’Ecclésiaste, il y a un temps pour tout, et si le temps pour détruire peut être un temps court – on peut briser une vie en quelques secondes – le temps pour bâtir, le temps pour reconstruire ne peut, lui, être autre que le temps long et non linéaire. Dans ce parcours d'accompagnement où nous cheminons ensemble, où nous apprenons les unes des autres, il nous faut accepter les détours et les pauses et les rendre féconds. Il nous faut nous inscrire à contretemps du temps dominant, celui de l'immédiateté et de la rapidité.
-       Le second axe est celui de la confiance et de l'équité : la relation d'aide  fondée sur la  seule charité  ne  permet  pas  la   reconstruction :
« femme en exil » ne peut résumer aucune femme. Nous sommes chacune et chacun, aidés et aidants, des êtres pluriels dont l'identité s'inscrit dans un héritage, une histoire, et un présent. Redonner  à l'autre sa pleine dimension, être comme l'écrivait Jankélévitch « le gardien de ses droits » sans être « le gendarme de ses devoirs », accepter que le chemin prenne une direction que nous n'aurons pas choisie et définir dans le respect les limites de ce que nous pouvons, voulons faire ensemble. Trop souvent, l'exil se lie à la pauvreté et l'étranger devient redevable de tout, lui ôtant toute faculté de refus ou de décision. Contre cela aussi nous devons lutter pour proposer un autre modèle d'accueil, fondé sur la confiance et la co-construction.
-       Dernier axe, que nous expérimentons à PasserElles  Buissonnières avec un plaisir bien réel : la pluridisciplinarité. Parce que l'exil est une expérience complexe liée souvent à des traumatismes (et je ne parle pas ici des seuls réfugiés) qui nécessitent une approche plurielle.

Voilà les éléments que je souhaitais apporter à partir de mon expérience pour commencer le débat.

Pour plus d'information vous pouvez suivre les activités se l'association sur Facebook : https://fr-fr.facebook.com/passerellesbuissonnieres/
Ou sur le site Internet :  www.passerellesbuissonnieres.org





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