Les Cartières,
26 août 2017 : Femmes en migration (table ronde)
En
préparant cette intervention, et en reprenant la demande de Daniel Mellier : «
Problématique des femmes : quelles difficultés, quels enjeux, quelles
possibilités quels risques particuliers dans le parcours migratoire ? Quelles
approches ? Quelles réponses ? »
la
première chose qui me soit venue à l'esprit c'est la force des femmes que nous avons la chance de rencontrer à
PasserElles Buissonnières. Aussi, avant d'évoquer les risques et les
difficultés liés à leur situation de femmes en exil, je voudrais d'abord
évoquer avec vous cette force :
-
la force d'Anna qui n'a jamais été
à l'école, mais qui après des années d'errance va entamer des études et obtenir
un diplôme qui lui permet d'exercer le métier de ses rêves ; rêves auxquels
Anna n'a jamais renoncés, même dans les pires
moments.
-
La force d'Elsa qui après avoir
traversé le Sahara et subi injures racistes et mauvais traitements en Libye
n'hésitera pas à prendre la mer sur un bateau de fortune, enceinte de
quatre mois. Parce que, dit- elle, dans ce parcours la mort était partout, que
je rebrousse chemin, que je reste là où j'étais ou que j'avance. J'ai choisi d'avancer.
-
La force d'Emiti, qui vit ici,
sans papiers depuis 13 ans, sans
ressource, et sans doute sans manger à sa faim tous les jours, mais qui dit
dans un sourire « l'argent ce n'est pas important
dans la vie. »
-
la force enfin d'Ariana, qui
étudiait l'histoire et se destinait au métier d'enseignante lorsque son
compagnon lui a proposé de partir avec lui pour l'Italie puis lui a fait subir
le pire.
Je
pourrais multiplier les exemples de ces femmes debout, malgré tout. Ces esquisses dessinent en filigrane les
difficultés qui jalonnent ces vies :
-
Dans le temps d'avant l'exil,
dans les lieux de conflits, ailleurs comme chez nous en temps de guerre, les femmes sont exposées à la violence et à
l'humiliation plus que les hommes : armes de guerre, trophées, moyen pour
humilier à travers elles un homme autant qu'un
peuple.
-
Dans le temps du voyage aussi,
où un supplément en « nature » est souvent arraché en plus de l'argent versé,
où les corps sont blessés, meurtris, brutalisés pour ne pas dire vandalisés comme de vulgaires objets. L'humanité est
niée par des hommes certes, mais
aussi par nos institutions qui
permettent à ce business de la migration d'exister.
Fermer les frontières, multiplier les contrôles, punir la solidarité,
décourager les sauvetages en mer par les
ONG, souffler sur les braises du
racisme pour faire oublier que les vrais enjeux se trouvent dans la régulation
économique, et dans l'éducation, de tout cela nous sommes responsables et
comptables et notre voix de citoyen ne doit cesser de s'élever contre des
théories jamais démontrées comme celle de l'appel d'air.
-
Dans le temps de l'accueil enfin
et le terme est à mettre entre de nombreux guillemets. Les conditions
matérielles d'accueil n'ont cessé de se détériorer.
Depuis une vingtaine d'années, nous avons vu resurgir les bidonvilles,
le sans-abrisme des enfants s'est banalisé, les hébergements d'urgence sont
devenus des lieux où l'on joue à Tetris avec
des vie humaines... Parallèlement les conditions administratives se durcissent sans que le temps ait été pris
d'expliquer enfin où se situent les différences entre les « bons migrants » et
les autres, qu'est- ce que la persécution... avec l'illusion que plus vite
équivaut à plus efficace.
Nous en revenons toujours au temps... Et ce sera donc l'un des
trois axes que j'évoquerai dans les réponses possibles :
- le temps long : pour reprendre l’Ecclésiaste, il
y a un temps pour tout, et si le
temps pour détruire peut être un temps court
– on peut briser une vie en quelques secondes – le temps pour bâtir, le temps pour reconstruire ne peut,
lui, être autre que le temps long et non linéaire. Dans ce parcours
d'accompagnement où nous cheminons ensemble, où nous apprenons les unes des
autres, il nous faut accepter les détours et les pauses et les rendre féconds. Il nous faut nous inscrire à
contretemps du temps dominant, celui
de l'immédiateté et de la rapidité.
- Le second axe est celui de la
confiance et de l'équité : la relation d'aide fondée sur la
seule charité ne permet
pas
la reconstruction :
«
femme en exil » ne peut résumer aucune femme. Nous sommes chacune et chacun,
aidés et aidants, des êtres pluriels dont l'identité s'inscrit dans un
héritage, une histoire, et un présent. Redonner
à l'autre sa pleine dimension, être comme l'écrivait Jankélévitch « le gardien de ses droits » sans être « le
gendarme de ses devoirs », accepter que le chemin prenne une direction que nous
n'aurons pas choisie et définir dans
le respect les limites de ce que nous pouvons, voulons faire ensemble. Trop souvent, l'exil se lie à la pauvreté
et l'étranger devient redevable de tout, lui ôtant toute faculté de refus ou de
décision. Contre cela aussi nous devons lutter pour proposer un autre modèle
d'accueil, fondé sur la confiance et la co-construction.
-
Dernier axe, que nous
expérimentons à PasserElles
Buissonnières avec un plaisir bien réel : la pluridisciplinarité. Parce que l'exil est une expérience
complexe liée souvent à des traumatismes (et je ne parle pas ici des seuls réfugiés) qui nécessitent une approche plurielle.
Voilà les éléments que je souhaitais apporter à
partir de mon expérience pour commencer le débat.
Pour plus d'information vous pouvez suivre les activités se l'association sur Facebook : https://fr-fr.facebook.com/passerellesbuissonnieres/
Ou sur le site Internet : www.passerellesbuissonnieres.org
Pour plus d'information vous pouvez suivre les activités se l'association sur Facebook : https://fr-fr.facebook.com/passerellesbuissonnieres/
Ou sur le site Internet : www.passerellesbuissonnieres.org
Commentaires
Enregistrer un commentaire